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Après avoir créé et mis en scène pour la première fois son personnage Saturnin en 1954 et 1956 dans respectivement le court-métrage Saturnin le poète (avec une chanson écrite par l’illustre René Barjavel) et le long-métrage Une fée... pas comme les autres (avec comme seule voix celle de Robert Lamoureux comme unique narrateur de l’histoire, et ce avant d’en faire une première série à partir de novembre 1965 avec cette fois-ci des dialogues mais sans Robert Lamoureux comme on peut parfois lire le contraire, ou encore l’entendre dans le documentaire Les Années ORTF de Jacques Pessis), Jean Tourane reprit en 1958 le même genre de comédiens que sur ses deux précédentes créations, à savoir des animaux familiers de l’Hexagone, ce pour adapter en un court-métrage la fable Le Chat, la Belette et le Petit Lapin de Jean de La Fontaine. Cet ouvrage audiovisuel fut également édité la même année en un album richement illustré par des photographies en noir aux éditions Delachaux & Niestlé comme de nombreux autres travaux de Jean Tourane.
Si la forme artistique utilisée par le réalisateur peut s’accorder avec une telle œuvre littéraire, les deux univers animaliers des deux Jean ne se rencontreront toutefois qu’au travers de cette seule fable. Il n’est d'ailleurs pas aussi simple comme on pourrait le penser d’adapter des fables de La Fontaine à l’écran, celles-ci imposant, ou tout du moins tendant naturellement vers le choix du format court si l’on veut les suivre à la lettre. Toutefois, on soulignera que quelques adaptations originales donnèrent un autre relief à ces fables comme celle en une série produite en 1964 pour l’ORTF avec de nombreux grands artistes du théâtre et du cinéma comme Judith Magre, Henri Virlojeux et Jean Tissier (dans le rôle de Grippeminaud) pour la transposition de la fable évoquée ici, ainsi qu'en 1989-92 la série d’animation Les Fables Géométriques avec une reformulation du texte et de l’imagerie plus contemporaine et humoristique, ou encore entre temps en 1973 (ORTF1) et 1974 (ORTF3) les adaptations de Georges Coulonges interprétées par Henri Salvador.
A ce titre, quant à certaines originalités, Jean Tourane modifie quelque peu le décor de la fable Le Chat, la Belette et le Petit Lapin puisque le terrier du petit lapin devient dans son film une maison (de celle construite par l’homme) et transpose de fait le paysage dans un environnement à la fois familier pour le jeune public et tout simplement amusant dans cette perspective (ce que quelques illustrateurs pour la jeunesse avaient tout de même déjà fait). C’est depuis ses premiers travaux en ce genre la particularité des œuvres de Jean Tourane que de présenter des personnages animaliers avec de véritables animaux dans un environnement humain avec également toutes les occupations et autres manifestations s’y raccordant. Le lapin a même un moyen de locomotion très populaire à l’époque, un scooter proche du Lambretta. Il en va aussi de l’histoire jouant sur quelques situations mises en relief avec le décor. Cette humanisation des animaux, quoique nouvelle sous cette forme puisque ces derniers sont de véritables êtres, s’inspire toutefois d’une certaine tradition dans l’univers du conte et de la littérature pour la jeunesse.