Fiche technique
Nom original | The Emoji Movie |
Origine | Etats Unis |
Année de production | 2017 |
Production | Columbia, Sony Pictures Animation |
Durée | 80 minutes |
Auteur | Tony Leondis, Eric Siegel |
Réalisation | Tony Leondis |
Production | Michelle Raimo Kouyate, John Kreidman |
Scénarii | Tony Leondis, Eric Siegel, Mike White |
Animation | Chad Ellis, Martin Esnaola Scotto, Michael Kimmel, François F. Laurent, Valerie Morrison, Jeff Panko, Nick Starcevic |
Chara-Design | Tony Siruno |
Design | Carlos Zaragoza |
Direction de l'animation | Sacha Kapijimpanga |
Direction artistique | Ryan Carlson, Dean Gordon |
Musiques | Patrick Doyle |
Adaptation française | Bob Yangasa |
Direction de doublage | Barbara Tissier |
Diffusions
Arrivée en France (cinéma) | 18 octobre 2017 |
Editions
Sortie en DVD / Blu-ray | 19 février 2018 (Sony) |
Synopsis
Dans le smartphone d’Alex, un adolescent parmi d’autres, se trouve la ville de Textopolis où vivent les émojis chargés d’aider leur jeune utilisateur à communiquer. Mais l’un d’eux, Gene, a la particularité n’être né sans filtre : alors qu’il est censé être l’émoji Bof, celui-ci possède plusieurs émotions qu’il exprime spontanément, ce qui lui vaut d’être très mal vu de ses congénères. Aussi, lorsqu’Alex le choisit pour la première fois, il se met à paniquer et affiche la mauvaise expression. Considéré comme une anomalie, Gene fuit les bots anti-virus avec l’aide de son ami Tope-Là, un ex-favori déchu. Ce dernier lui suggère alors de trouver un hacker pour le reprogrammer et faire de lui un vrai Bof, ce qui implique de devoir quitter Textopolis et de parcourir le smartphone en passant d’appli en appli.
Commentaires
Après le semi-échec d’Igor en salles, le réalisateur Tony Leondis rejoint les rangs des studios Dreamworks pour réaliser le court-métrage Kung-Fu Panda : Les Secrets des Maîtres, récompensé en 2012 par l’Annie Award de la Meilleure Production Spéciale. Cette reconnaissance permet à Leondis de s’atteler à un nouveau long-métrage intitulé B.O.O. : Bureau of Otherworldly Operations. Malheureusement, au début de l’année 2015, Dreamworks connaît d’importantes difficultés économiques en raison de la mauvaise performance de ses derniers films au box-office ; la direction est forcée de prendre des mesures drastiques impliquant entre autres la fermeture du studio Pacific Data Image et le licenciement de ses 500 employés. Le nombre de films produits se voit réduit et B.O.O., bien que quasiment achevé, est purement et simplement remisé au placard.
Leondis imagine alors un autre projet en s’appuyant sur Toy Story, l’un de ses films favoris, et songe aux emojis qu’il perçoit comme le langage universel du moment. À partir de là, le réalisateur souhaite créer une histoire faisant écho à sa propre expérience : homosexuel, Leondis élabore son intrigue autour d’un émoji différent qui se croit anormal car ne rentrant pas dans les normes attendues de la société et sera même perçu par cette dernière comme une menace. Le script est développé, les story-boards dessinés, et le projet est soumis à différents studios qui espèrent reproduire le succès de films tels que Les Mondes de Ralph (2012) ou La Grande Aventure Lego (2014), à savoir Warner Bros, Paramount et Sony. C’est ce dernier qui proposera l’offre la plus élevée, sur l’impulsion de la nouvelle présidente de Sony Animation Pictures, Kristine Belson, issue de Dreamworks (et accessoirement productrice exécutive de B.O.O.).
Le projet est officiellement lancé en juillet 2015 et rencontre instantanément moquerie et incompréhension sur Internet. Les uns rient du concept général (d’autant plus handicapé par la sortie de Vice-Versa de Pixar, survenue entretemps), les autres hurlent à l’hérésie suite à l’annulation du long-métrage Popeye de Genndy Tartakovsky au profit du film de Leondis alors élevé en symbole d’une industrie hollywoodienne n’ayant plus aucune imagination. En 2016, les détails du scénario commencent à être divulgués, avec notamment la mention d’applications mobiles qui va faire naître la réputation du film en tant que publicité géante sans âme. Les premiers visuels arrivent en fin d’année avec, outre les trois personnages principaux, l’émoji Caca que les internautes prennent comme un signe avant-coureur. Mais la controverse atteindra son apogée le 20 décembre lorsque Sony diffusera son premier teaser dans lequel un émoji Bof sur fond blanc déclame sans enthousiasme l’arrivée imminente du film en salles : cette approche ironique sera extrêmement mal prise par les internautes qui considèreront que Sony Pictures Animation ne fait aucun effort pour essayer un tant soit peu de les détromper au sujet de l’exploitation d’un concept auquel ils ne croient pas depuis le début. Le 4 août 2017, The Emoji Movie sort enfin dans les salles américaines (en ayant abandonné au passage son sous-titre Express Yourself) et si la version française sortit le 9 août en Belgique, l’Hexagone dut en revanche attendre le 18 octobre – soit 6 jours avant sa sortie en DVD et Blu-ray aux États-Unis. Notons au passage que Le Monde Secret des Emojis a eu l’insigne honneur d’être le premier film diffusé dans les salles d’Arabie Saoudite depuis 35 ans, aux côtés de Capitaine Superslip des studios Dreamworks.
Rarement la presse n’aura été aussi virulente à l’égard d’un long-métrage d’animation ! Le film se voit reprocher son absence de gags et de charme, ainsi que son énergie laborieusement déployée pour montrer à quel point il suit les dernières tendances du moment pour au final en livrer une représentation superficielle et afficher une connivence facile envers le jeune public. La publicité outrancière autour des applis telles que Candy Crush ou Just Dance est sévèrement pointée du doigt, de même que les nombreuses libertés prises avec les réalités technologiques : en témoignent la scène de l’appli pirate qui mélange virus et trolls d’Internet ou encore Dropbox et le Cloud, présentés comme sécurisés face à un logiciel malveillant, renvoyant de manière assez gênante à l’affaire des Sony Leaks survenue en novembre 2014 qui déboucha sur la fuite de centaines de milliers d’e-mails d’employés de la firme. Autant de signes faisant du Monde Secret des Emojis le film à abattre à tout prix !
Pourtant, l’ensemble n’est pas dénué de qualités : le graphisme et l’animation sont techniquement soignés (la gestuelle de Tope-Là en particulier est une réussite). Le contraste entre les expressions figées de certains émojis et les sentiments qu’ils expriment est parfois assez savoureux (Miss Smiley, les parents de Gene) et certaines scènes se montrent simples et efficaces comme le passage du pare-feu, à l’esprit délicieusement cartoon, ou la séquence Instagram qui constitue un moment de poésie bienvenue dans un film au rythme tiré au cordeau.
Mais ces quelques points positifs ne suffisent pas à compenser les nombreux problèmes du film. Malgré les bonnes intentions de Tony Leondis, son récit sur l’importance d’exprimer ses émotions et de concevoir sa différence comme une force et non une anomalie est malheureusement entaché par un traitement qui apparaît comme cynique : les personnages humains sont survolés et dépeints avec une rare stupidité qui confine à la caricature méprisante et l’impact de la technologie sur la communication entre les gens n’est jamais remis en question, faisant ainsi ressortir toute la naïveté du discours final auquel on a du mal à croire. Les applis Candy Crush et Just Dance jouent effectivement un rôle dans le parcours psychologique des protagonistes mais leur inclusion dans le récit sonne de manière trop forcée ; le discours féministe autour de Rebelle se dessine ici et là avant d’être bazardé en dernière partie et, d’une manière générale, les multiples raccourcis scénaristiques empêchent de développer un univers cohérent et des relations bien établies entre les personnages. Du côté du doublage, si Jérôme Commandeur s’en sort très bien dans le rôle principal, on ne peut hélas pas en dire autant de Caroline Receveur dans le rôle de Rebelle, dont les intonations manquent parfois de naturel.
En dépit de sa couverture médiatique catastrophique ayant fait de lui le film d’animation le plus détesté de l’année 2017, Le Monde Secret des Emojis n’a pas été un échec total au box-office ; bien que situé en-dessous des performances attendues par ses instigateurs, le film s’est avéré plus rentable pour Sony Pictures Animation que Les Schtroumpfs et le Village Perdu. Mais cela ne l’empêchera pas de remporter pas moins de 4 Razzie Awards dans les catégories Pire Film, Pire Réalisateur, Pire Scénario et Pire Duo à l’Écran (pour « n’importe quels emojis insupportables ») ; encore une fois, du jamais vu dans le domaine de l’animation...
S’il n’est pas totalement l’abomination filmique décrite par la presse, Le Monde Secret des Emojis n’en reste pas moins dans son exécution une œuvre assez embarrassante.
Doublage
Voix françaises (Studio Cinéphase) :
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