Un Sac Plein d'Or

Fiche technique
Nom originalMillion v meshke (Миллион в мешке)
Un million dans un sac
OrigineRussie
Année de production1956
ProductionSoyuzmultfilm
Durée28 minutes
RéalisationDimitri Babichenko
ScénariiVladimir Suteev
AnimationBoris Chani, Konstantin Chikine, Vyacheslav Kotenochkin, Vladimir Krumin, Gennady Novozhilov, Vladimir Pekar, Igor Podgorsky, Tatiana Taranovitch
TextesMikhaïl Svetlov poème
Direction artistiqueVitold Bordzilovsky, Petr Repkin
Direction du sonGeorge Martynuk
DécorsGely Arkadyev, Petr Korobayev, Galina Nevzorova, Vera Rodzhero, Vladimir Sobolev
Direction photographieMikhail Druyan
MusiquesAnatoly Lepin
Diffusions
1ère diff. Cable/Sat/TNTsamedi 15 avril 1995 (Canal J)
Editions
Sortie en VHS1993 (Citel)
2002 (Citel - Les trésors de l'animation)
Synopsis

Sur une île, un petit royaume. En ce lieu vit Hector Grigou (Monsieur Million / Gospodin Million en VO), l'homme le plus riche de ce pays. Il y est particulièrement connu pour son extrême avarice (ce que son nom en version française souligne). Un jour, en son château, alors qu'il nourrit les poissons du bassin, il perd sa bague qui roule au pied de sa jeune servante, une enfant prénommée Élisabeth. Surprise, celle-ci ramasse le bijou et en admire un court instant sa beauté – avec son diamant étincelant –, puis elle prend peur quand Hector Grigou l'accuse avec véhémence de lui voler son bien. Terrifiée par la colère de son maître, l'enfant lâche la bague qui tombe et disparait dans le bassin. Puis, toujours sous la voix accusatrice, ne sachant plus que faire et sous l’effroi de la situation, Élisabeth prend la fuite et quitte le domaine d'Hector Grigou, à peine a-t-elle le temps de franchir la grille du château se refermant derrière elle.

Alors qu'elle se repose près d'un vieil arbre, pleurant de toutes ses larmes sous la pluie tombant, Élisabeth entend dans le lointain, s'envolant d'un violon, une musique d'une grande beauté. La pluie cessant et accompagnée par un petit oiseau, elle part à la recherche du musicien jouant du violon et parsemant ses notes dans la nature. Le trouvant, et observant autour de lui les fleurs s'épanouir sous l'effet de son archer, elle lui dit tout le bonheur que lui procure sa musique. Ce musicien, prénommé Alain (Ré Majeur), joue du violon avec une telle virtuosité que la nature environnante en devient plus luxuriante, sa musique faisant office à la fois de soleil et de pluie. Alors Alain rassure l'enfant et l'emmène avec lui.

Entre temps, Hector Grigou a engagé Fripon (détective Cherche-Fistule / syshchik Ishchi-Svishchi en VO), un détective des plus malhonnêtes qu'il a d'ailleurs fait mettre en prison quelques temps plus tôt et à qui il confie cette mission sous réserve de sa liberté. Fripon, relativement efficace, a déjà retrouvé Élisabeth alors que l'enfant rencontre Alain.

Peu après, Alain présente Élisabeth à son père Frangelico (Ultramarin) qui lui aussi est artiste. C'est un peintre dont les sujets qu'il représente en ses ouvrages picturaux prennent véritablement vie sous les coups de son pinceau. Il peut ainsi extraire d'une toile tel sujet ou objet et même peindre sur n'importe quel support. A l'instant où son fils et la jeune enfant se présentent à lui, il vient justement de donner naissance à Ébène (Vaksa), un jeune chien tout noir, et ce sous le regard d'un Fripon caché, observateur qui de suite rapporte à son maître les particularités artistiques du musicien et du peintre, les deux sombres individus pensant déjà à reproduire sur une toile une immense fortune qu'ils pourraient se partager...


» Résumé complet


Commentaires

En 1956, alors que le cinéma d'animation soviétique est illuminé d’œuvres classiques adaptant des textes de la littérature ou des contes de diverses origines, ce film s'inscrit dans une démarche plus politique en offrant une satire sur la cupidité et l'argent. Ainsi le peintre et le violoniste – exprimant au travers de leur art la liberté et une vision poétique de la vie – sont confrontés malgré eux à l'homme le plus riche de la ville, celui-ci représentant en quelque sorte le pouvoir et ayant à sa solde le chef des gendarmes mais aussi le voleur. Ce personnage d'une cupidité extrême, de même que la fin de son parcours dans l'histoire, n'est pas sans rappeler également dans son comportement le maharadja de L'Antilope d'Or, film d'animation réalisé deux ans plus tôt en 1954 par Lev Atamanov, et l'on retrouve également de sa tyrannie en 1961 dans celle du général Citron et de son dévoué serviteur monsieur Tomate dans Cippolino, le petit oignon réalisé par Boris Dyozhkin d'après le récit pour la jeunesse de Gianni Rodari.

Le personnage d'Hector Grigou est particulièrement détestable. Non seulement il accuse à tort l'enfant d'être une voleuse, mais il oublie très vite l'objet qu'il croit avoir été volé pour s'emparer du pinceau du peintre qui pourrait lui permettre d'être encore plus riche qu'il ne l'est, alors qu'il est déjà l'homme le plus riche du royaume. C'est en quelque sorte une des visions extrêmes du monde capitaliste vu depuis l'Union soviétique, l'homme riche l'étant toujours autant et encore plus alors que le pauvre qui n'a plus rien, ne peut plus rien perdre si ce n'est la vie.
Si Hector Grigou est en quelque sorte une caricature représentant le capitalisme et que sa méchanceté provient du fait qu'il est extrêmement riche, l'histoire souligne tout de même qu'en dehors de cela cet homme est tout simplement d'une grande avidité et qu'il ne peut s'empêcher de plonger dans le sac plein d'or malgré toutes les richesses qu'il possède déjà. Le détective et le chef de la police qui eux sont plus proches du peuple puisque peu riche, mais travaillant tout de même pour Hector Grigou, réagissent comme le millionnaire, l'argent les rendant tous aussi violents. Cette violence ne serait donc pas liée automatiquement à la position sociale du personnage mais proviendrait plus particulièrement du caractère de l'individu.
A l'opposé, le musicien et le peintre représentant la bonté offrent à voir une certaine idée du bonheur reposant sur l'imagination plus que sur la véritable possession de biens. La musique et les images sont en ce cadre une plus grande richesse que l'argent. Certes le message est beau, mais hélas dans le monde réel c'est une toute autre musique...

Musique et peinture sont ainsi réunies en cet ouvrage réalisé par Dmitry Babichenko donnant à voir comme une magnifique composition florale. Le violon virevoltant se montre de la sorte aussi coloré que les couleurs elles-mêmes s'échappant du pinceau, les animateurs et artistes s'employant en ce sens à rendre légères et joyeuses les différentes expressions et gestuelles des personnages baignant dans la douce lumière des décors. A cet effet la direction artistique du grand Petr Repkin à qui l'on doit notamment celle du Petit Shego repose à la fois sur des atmosphères ténébreuses pour le château d'Hector Grigou et de types méditerranéennes, voire helléniques pour le lieu de vie des artistes, celui-ci ayant été plus probablement inspiré par certains paysages de Crimée (au sud de l'Ukraine), de Yalta notamment, lieux bordés par la mer Noire.

Un sac plein d'or fut écrit par Vladimir Suteev qui, parmi bien d'autres ouvrages pour Soyouzmoultfilm, signa également le scénario de Pastushka i Trubochist en 1965, adaptation relativement fidèle du conte « La Bergère et le ramoneur » de Hans Christian Andersen mis en scène par Lev Atamanov (on notera que ce conte présente un personnage menaçant le bonheur desdits bergère et ramoneur, ce que l'on retrouve en partie dans le scénario de Suteev pour Un sac plein d'or où Hector Grigou menace celui des artistes et de l'enfant). A cet égard, quelques éléments de Un sac plein d'or ont un petit quelque chose, du moins est-ce subjectif, du film d'animation – libre adaptation du conte – La Bergère et le ramoneur (1953) de Paul Grimault, film désavoué par le réalisateur qui le reprendra et reformulera sa matière vingt-quatre ans plus tard sous le titre Le Roi et l'Oiseau (1977-80). Ce conte et son adaptation par Paul Grimault inspirèrent Osamu Tezuka en 1962 pour son Histoire du coin de la rue (En 1979, Tezuka mettra à nouveau en images une histoire avec un personnage dessiné sur une affiche dans son court manga Lunn Flies into the Wind / Run wa Kaze no Naka adapté en 1985 en une OAV).
Concernant ces petits quelque chose, bien que la particularité du pinceau du peintre Frangelico (Ultramarin) s'inspire de créations ultérieures comme le conte chinois « Le Pinceau Magique » (lire la dernière partie des Commentaires de la fiche Le Crayon Enchanté), on peut également relier celui-ci au peintre du roi Takicardie faisant le portrait de ce dernier qui prend alors vie, tout comme les personnages de la bergère et le ramoneur s'extraient de la toile qu'ils occupent. Mais il y a également le traitement d'autres personnages comme celui du détective engagé par Hector Grigou ainsi que les soldats pouvant rappeler légèrement les hommes de la police du roi de Takicardie.

A propos encore des personnages, on soulignera, à l'exception d'Hector Grigou et d’Élisabeth, qu'ils possèdent pour la plupart certaines particularités fantastiques. En premier lieu Frangelico et Alain dont les instruments en leurs mains leurs permettent respectivement de donner vie et corps à tout ce que l'esprit d'un peintre peut imaginer et d'agir sur la nature et les éléments au gré des sons de l'instrument du musicien. Les hommes du chef de la police, bien que de petite taille, ont également quelques caractéristiques surréalistes : on les voit ainsi bien rangés les uns à côtés des autres dans le coffre de l'automobile du chef de la police et ils servent même à l'occasion de pont !
Fripon a lui aussi diverses particularités fantastiques que l'on peut observer lorsqu'il se présente à Hector Grigou en se transformant et se déguisant en un tour de main. Ce détective et voleur a également un petit quelque chose de magicien même s'il n'en est pas un, et c'est d'ailleurs sous l'habit de magicien qu'il se présente à Élisabeth, habit rappelant beaucoup celui porté par un certain Michey Mouse dans Fantasia de Walt Disney. Avec le loup qu'il porte sur son visage, on pense également au Fantômas originel.

Malgré la perfection de l'ouvrage, celui-ci n'est pas exempte d'erreurs et parmi celle que l'on peut remarquer, il y a dans la scène finale un élément qui disparait sur un plan alors qu'il devrait être encore présent. Il s'agit du nombre de millions indiqué sur le sac. Celui-ci n'est plus représenté après être passé de un million à dix milliard, lorsque les trois hommes se battent dans le sac, puis il réapparait lorsque le peintre recouvre de noir toute la toile.

Comme la plupart des films d'animation soviétiques diffusés sur Canal J entre 1992 et 1998 – en soirée le samedi à 20h00 puis rediffusés le lendemain matin – et distribués en cette même décennie en VHS (chez Citel) dans l'Hexagone, la version française de Un sac plein d'or est québécoise et adaptée directement de la version états-unienne produite par Phil Roman (Film Roman) et Oleg Vidov (Film by Jove), ce dans le cadre de la collection « Les Grands Classique de l'Animation » / « Animated Classic Showcase ». A cet égard, comme nombre de films d'animation soviétiques étant passés par les mains de Roman et Vidov, Un sac plein d'or a subi quelques modifications et plusieurs pièces musicales composées par Anatoly Lepin ont été remplacées par d'autres compositions.
On peut une fois de plus déplorer cela puisque pour certaines musiques originales jouées au violon, l'animation du musicien et de son archer reposait sur celles-ci. A cet effet, à la toute fin du métrage, lorsque Alain donne un dernier coup d'archer qui défait le lien retenant prisonnière Élisabeth, on note que dans la version états-unienne l'archer continu de glisser sur le violon puisqu'on entend encore ce dernier et ce pour accompagner le lien jusqu'au sac qu'il referme, la version originale elle accompagnant le lien avec un instrument à vent proche de la clarinette reprenant la musique d'introduction du métrage.

Merci à Stéphane Perron et à Sim pour l'identification des voix.

Doublage
Voix françaises :
Daniel RousselNarrateur
Daniel PicardHector Grigou
Jacques LavalléeDétective Fripon
Gilbert LachanceAlain
Luc DurandLe peintre Frangelico
Alain GélinasÉbène
Auteur : Captain Jack
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Million v meshke © / Soyuzmultfilm
Fiche publiée le 07 septembre 2020 - Dernière modification le 01 octobre 2020 - Lue 6931 fois