Diffusions
1ère diffusion hertzienne | 1987 (Canal+) |
Synopsis
Sur l’écran noir de Canal+ surgit de temps à autre un robot du nom de Krypto, annonçant les programmes à venir ou le passage du clair au crypté...
Commentaires
En 1985, la chaîne britannique Channel 4 présente le personnage de Max Headroom, le premier présentateur télé virtuel du monde créé par Rocky Morton et Annabel Jankel (les futurs réalisateurs du film Super Mario Bros. avec Bob Hoskins). Officiant dans The Max Headroom Show, une émission de clips musicaux avec interviews des artistes à la clé, le personnage affiche un aspect lisse, une animation saccadée et une voix changeant régulièrement de pitch ou restant parfois bloquée sur une syllabe, en apparaissant toujours cadré au niveau des épaules sur un fond de motifs géométriques abstraits. Rapidement érigé en icône de la culture pop à l’ère de l’émergence des images de synthèse, Max Headroom aura droit à une déclinaison en série télé en 1987 le temps de 14 épisodes avant de disparaître petit à petit du paysage audiovisuel.
Mais la prouesse technique déployée par ses créateurs cache en réalité un habile subterfuge. La technologie de l’époque s’avérant insuffisante pour un tel niveau de modélisation animée en temps réel, en fait d’images de synthèse, il s’agit du comédien Matt Frewer recouvert de latex, vêtu d’un costume en fibre de verre et filmé à faible cadence pour obtenir ses mouvements saccadés et avec de simples effets de régie pour perturber sa voix.
Aussi, lorsque Canal+ décide de diffuser sur son antenne la série télé Max Headroom en version française, les dirigeants de la chaîne souhaitent aller plus loin que Channel 4 et proposer le premier véritable présentateur virtuel au monde. Pour cela, ils font appel à la société BSCA (Buffin Seydoux Computer Animation), responsable de plusieurs génériques d’ouverture impliquant des personnages animés pour La Cinq (À fond la caisse, Happy Days, Cours après moi shérif). Pierre Buffin conçoit alors le design général du présentateur en question, Krypto, comme une déclinaison humanoïde du mythique habillage de la chaîne – avec l’ellipse multicolore – créé par Étienne Robial et Mathias Ledoux. De 5 mois de production sortiront 10 jingles de 10 secondes et un jingle spécial de 30 secondes pour célébrer l’année 1988.
À mi-chemin entre la speakerine et l’interlude 3D, Krypto surgit et s’adresse directement au téléspectateur avant de sortir du champ ou de disparaître dans un brouillage crypté. Cette approche – atypique pour l’époque – avait pour but de marquer les esprits tout en inscrivant la chaîne dans sa volonté de défricher le champ des images de synthèse, conformément à son premier slogan « Canal+, la télévision des Nouvelles Images ». Présents à l’écran durant 5 mois, ces jingles seront diffusés au salon Siggraph de 1988 ainsi qu’au Festival d’Annecy de 1989. BSCA fermera ses portes peu de temps après et le créateur de Krypto fondera Buf Compagnie qui, après avoir travaillé sur La Cité des Enfants Perdus (1995) de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet, s’affirmera comme une société d’effets visuels renommée sur le plan mondial avec des films comme Fight Club (1999) de David Fincher, la trilogie Matrix (1999-2003) des Wachowski ou Enter the Void (2009) de Gaspar Noé.
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Sources :
Pierre Hénon, Une histoire française de l’animation numérique, EnsAD éditions, 2018.
Cécile Welker, La Fabrique des "Nouvelles Images" : l’émergence des images de synthèse en France dans la création audiovisuelle (1968-1989), thèse de doctorat en Arts et sciences de l’art, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, 2015.
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