Synopsis
En 1959 (34ème année de l'ère Shôwa : 1926-1989), dans la matinée du samedi 26 septembre, alors qu'une semaine d'école touche à sa fin à Nagoya : la jeune élève Hikari Tsushima (voix : Mami Koyama) ainsi que son camarade et ami Toshio Nishizawa (voix : Keiko Toda) et les autres élèves de la classe de 6ème année de primaire attendent avec impatience la journée sportive qui doit se dérouler le lendemain, le dimanche 27 septembre. Mais en raison de l'approche du typhon n°15, leur instituteur leur annonce que la rencontre sportive est annulée et reportée à la semaine suivante. Evidemment, alors qu'ils rentrent chez eux, les enfants sont déçus à la perspective de ne pas se revoir le lendemain.
Après l'école et bien que le ciel s'assombrit, Hikari, qui vit dans la partie sud de la ville, se promène avec Buchi, son grand chien (un Akita Inu) et alors qu'elle se repose assise dans l'herbe, elle se remémore le jour où elle l'a trouvé alors que ce n'était qu'un chiot et que ses parents – Chiyo sa mère (voix : Nana Yamaguchi) et Takeshi son père (voix : Koji Toya) – n'étaient pas d'accord pour le garder (particulièrement sa mère ayant souffert lors de son enfance quand son chien est mort). Puis, la pluie commençant à tomber (où à faire des claquettes comme le chantait le grand Jacques), Hikari s'en retourne chez elle avec Buchi. Elle retrouve peu après son camarade de classe Toshio quand celui-ci lui rend visite en fin d'après-midi dans la boutique de ses parents, le jeune garçon qui a quelques sentiments pour Hikari étant venu faire une petite course (l'achat d'une bougie). Après que les deux enfants aient échangé quelques mots, Toshio reprend le chemin de sa maison où l'attendent Umeko sa mère (voix : Tomiko Suzuki) et Nagisa sa petite soeur (voix : Kazuko Sugiyama).
Les informations sur le phénomène météorologique qui s'approche sont alors peu rassurantes, les prévisions annonçant une arrivée de la tempête dans la soirée celle-ci ayant déjà atteint le cap Shiono Misaki dans la péninsule de Kii. Tout le monde barricade alors plus ou moins les maisons et particulièrement les fenêtres. Hikari, qui est avec ses parents, va chercher Buch dans sa niche pour le faire entrer dans la maison puis peu après il y a une panne d'électricité... Dans la maison de Toshio également l'électricité est coupée et il y a quelques fuites d'eau provenant du toit de l'habitat. Vers 20h15, le vent et la pluie se manifestent de plus en plus violement et l'on voit la niche de Buch s'envoler et s'écraser contre un mur. La tempête se fait de plus en plus forte au point que dans leur maison respective, Toshio et Hikari doivent s'appuyer sur l'entrée de la maison pour ne pas qu'elle cède puis d'un coup, la tempête semble très légèrement se calmer... Toshio, alors quelque peu épuisé s'endort et rêve de Tokuzo, un vieil homme avec qui il a été un jour à la pêche en pleine mer et des poissons qu'il a rapporté de cette sortie et de sa fierté de montrer le fruit de cette pêche à Hikari.
Hélas, vers 21h35, la tempête redoublant de force, de hautes vagues s'abattent sur les côtes et la marée surmontant le remblai envahie les rues de la ville emportant avec elle les maisons, celles de Toshio et Hikari ayant également été noyées puis plus ou moins détruites par les eaux ainsi que par les troncs d'arbres du chantiers de bois flottants de Lauan. Hikari et ses parents mais aussi Buchi sont parvenues a sortir de leur habitat en passant par le grenier et sont restés sur le toit à attendre, là, impuissant à ne savoir que faire face aux éléments déchainés jusqu'à ce qu'une femme et son enfant tentant de ne pas se noyer se sont accrochés à la gouttière bordant le toit. Le père d'Hikari tente alors de leur venir en aide, en vain puisqu'il est emporté lui et ceux qu'il voulait sauver par une grande vague, Hikari et sa mère étant elle projetées dans les airs après qu'un tronc d'arbre a percuté le toit de la maison. De son côté Toshio, avec sa petite soeur qui se cramponne à son cou, voit sa mère épuisée se noyer alors que l'eau a presque atteint le plafond de leur maison, plafond sur lequel Toshio frappe de toutes ses forces de ses poings afin de tenter de créer une ouverture...
Hikari, qui a été propulsée hors du toit, se retrouve seule dans l'eau tentant de s'agripper à tout ce qu'elle peut sans y parvenir, les remous de la surface étant trop violents. La fatigue l'emportant alors, elle s'enfonce lentement dans les eaux... mais Buchi, qui lui aussi a été arraché du toit de la maison, arrive à temps pour la sauver. Le courageux chien parvient alors à atteindre non sans mal un grand arbre d'un sanctuaire qui n'a pas failli face à la tempête et aux vagues, et il réussit à déposer Hikari alors inconsciente sur une grande branche, mais emporté par les flots boueux ne peut se sauver lui même...
Au petit matin, le calme est revenu avec le soleil et le ciel bleu couvrant la ville dévastée. Malgré l'horreur qui s'est abattue en ce lieu, la vie reprend et des secours arrivent afin de porter aide et assistance aux rescapés, survivants ou blessés, dont certains ont réussi à échapper à la mort en restant sur le toit de leur maison encore en état. Hikari, très affaiblie et traumatisée par cette terrible expérience, a pu alors être sauvée et emmenée dans un hôpital. Tokuzo et son épouse ont survécu eux aussi à cette tempête et le vieil homme s'est rendu dès qu'il l'a pu à la maison de Toshio constatant hélas la mort de l'enfant, de sa petite soeur et de leur mère. Ce dimanche qui devait être un jour de joie pour les enfants devant se retrouver pour une compétition sportive, n'en fut rien et comme Hikari, nombreux furent ceux et celles qui perdirent alors bien des amis.
Trente ans plus tard, en 1989, Hikari, devenue mère, et sa fille qui l'accompagne et qui a le même âge qu'elle avait en 1959, prie sur la tombe de ses parents qui ont perdu la vie lors de cette catastrophe. Puis, après cette visite, se promenant sous un beau soleil avec sa fille sur une falaise, Hikari rencontre Ryuichi, le père de Toshio (voix : Hideyuki Hori), cheveux blancs et regard porté sur la mer calme et paisible. Ce dernier était le 26 septembre 1959 à son poste de travail dans les bureaux de l'Agence Météorologique Japonaise...
Commentaires
Ce long-métrage d'animation a été réalisé en 1989 pour commémorer le 30ème anniversaire de la tragédie qui a touché le Japon dans la soirée du samedi 26 septembre 1959 et ainsi honorer la mémoire des victimes. En effet, ce jour-là, les côtes japonaises furent frappées par le typhon Vera (#15 ou T5915) ou typhon de la baie d'Ise avec une vitesse de vent maximal de 305 km/h (ce typhon toucha tout le Japon à l'exception de l'île de Kyûshû). On compta alors 4 697 morts et 401 disparus, ainsi que 38 921 blessés (833 965 habitations furent endommagées et 363 611 habitations inondées, et plus de 1,5 millions de personnes en furent affectées). Ce fut le plus lourd bilan causé par un typhon au Japon et de fait la tempête la plus mortelle sur l’archipel au 20ème siècle.
Une dizaine, voire une vingtaine de typhons tropicaux s'approchent chaque année des côtes japonaises, surtout en août et septembre et plus largement de juillet à octobre, et au moins trois d'entre eux traversent l'Archipel. Les départements les plus touchés par leur passage sont : Kagoshima (Kyûshû), Kôchi (Shikoku) et Wakayama (Honshû). Les japonais côtoient ainsi chaque année et depuis fort longtemps ces tempêtes, sans compter quelques autres manifestations de la nature que sont les tremblements de terre et les raz de marée. L'économie du pays est de fait impactée par ces catastrophes et celles-ci font ainsi partie de sa gestion. Fort heureusement, depuis la fin de l'ère Shôwa qui a connu deux autres typhons de grande ampleur (les 20/21 septembre 1934 le typhon Muroto fit 2 702 morts, 334 disparus et 14 994 blessés et les 17/18 septembre 1945, un mois après « Hiroshima et Nagazaki » le typhon Mukurazaki fit 2 473 morts, 1 283 disparus et 2 452 blessés), le Japon est parvenu à limiter les dégâts et le nombre de victimes.
Sans égaler la qualité des films du studio Ghibli, ce long-métrage nous offre au travers d'une animation certes parfois peu étoffée mais tout de même très agréable au regard, une histoire reposant sur un véritable drame. Celui-ci est donc vécu au travers de la vie de deux enfants qui seront les témoins de cette catastrophe où l'être humain ne peut quasiment rien face aux éléments naturels. Ainsi après avoir fait la connaissance de Toshio et Hikari, de leur entourage et de leur lieu de vie sur les deux premiers tiers de l'ouvrage pour de fait être imprégnés de l'atmosphère régnant alors dans les esprits et dans la ville, le troisième et dernier les expose au cœur même de la tempête.
La réalisation du film est signée par Seijirô Kôyama (1941-), grand metteur en scène de films en prises de vues directes, qui a toutefois travaillé un peu dans le domaine de l'animation (sur des scripts pour les séries de la Nippon Animation Anne la maison aux pignons verts et Tom Sawyer) et qui est ici accompagné à ce poste par Yasuo Iwamoto. Il en a également écrit le scénario après avoir eu l'idée de mettre en œuvre ce projet. Le réalisateur a probablement opté de concevoir cet ouvrage en un film d'animation car il aurait été plus complexe de reproduire à l'écran la tempête et ses effets pour un film en prises de vues directes.
Notons que deux ans auparavant, Seijirô Kôyama avait adapté la très célèbre histoire du chien Hachiko, avec le grand acteur Tatsuya Nakadai, et que l'on retrouve dans ce long-métrage d'animation un chien de la même race. Le compositeur Masao Haryu qui signe la bande originale de ce film vient également du cinéma en prises de vues directes et il a très souvent composé pour Seijirô Kôyama.
La direction artistique de Mariko Kadono habituée à des univers plus joyeux et colorés – elle travaillait alors sur la série du Magicien d'Oz de la Tôhô – est très réussie. Aussi la représentation des éléments naturels pris dans la tempête est magnifiquement restituée, la nature du typhon et les actions qu'il inflige à la ville étant notamment inspirés par les souvenirs de certains acteurs (réalisateurs, animateurs ou autres) du film ayant été témoins de tels phénomènes (à cet effet plusieurs comédiens prêtant leur voix aux personnages sont originaires de Nagoya et étaient de jeunes enfants en 1959). De même, la nuit et son atmosphère ont été admirablement mises en lumière et un soin particulier a été apporté aux éléments sonores pour avoir une acoustique réaliste comme avec la pluie torrentielle, la mer démontée et le grondement du vent.
Mariko Kadono travaillera sur d'autres projets touchant au drame, notamment le film Chocchan no Monogatari (20 mars 1996, 76 minutes) de Hiroko Tokita évoquant le bombardement de Tôkyô le samedi 10 mars 1945. De même, le studio Mushi Production a produit plusieurs autres films d'animation évoquant des drames comme celui-ci ou sur la Seconde Guerre mondiale.
On soulignera que l'ensemble de la réalisation est relativement classique mais elle est tout de même ponctuée par quelques scènes particulières qui intensifient les émotions comme la présence du chat noir qui apparaît quelques secondes au début du film près du chantier de bois flottants et que l'on retrouve alors qu'il va être emporté par les eaux, cette apparition pouvant suggérer diverses pensées quant à l'inéluctabilité de la vie.
Un autre passage est également porteur de sens lorsqu'intervient la panne d'électricité chez Hikari alors que l'enfant et ses parents écoutent les informations à la radio, l'éclairage du plafond qui s'est éteint laissant sa place à un plan noir où apparaît alors la flamme d'une allumette, celle-ci étant tenue par Toshio qui allume la bougie qu'il avait précédemment acheté à Hikari. Cet effet que l'on peut considérer comme un raccord par analogie nous fait passer ainsi d'une maison, celle d'Hikari, à une autre, celle de Toshio, quelques minutes avant la catastrophe. La flamme de la bougie et sa chaleur rassurantes seront hélas les derniers instants de bonheur pour Toshio, sa mère et sa petite soeur, de même que pour Hikari qui certes survivra à ce typhon mais perdra ses parents mais aussi son ami Toshio et son chien Buchi...
Quant aux dernières images, celles du film puis celles de son générique de fin, elles sont également très émouvantes et l'on voit s'effacer de la dernière scène les trois personnages que sont Hikari adulte, sa fille et Ryuichi, le père de Toshio pour laisser place aux personnages de Toshio, Hikari enfant et Buchi.
Enfin, notons que la chanson Deaete Yokatta (Je suis heureux que nous nous soyons rencontrés) ornant le générique de fin sur des paroles de Takako Mizutami et interprétée par Mami Koyama qui prête sa voix au personnage de Hikari a été composée par Shoji Hashimoto. Si elle peut rappeler les douces créations de la chanteuse Iruka dont la voix de Mami Koyama sur cet enregistrement est assez proche, son introduction fait légèrement écho sur quelques notes à la chanson américaine Sealed with a kiss interprétée à l'origine en 1960 par les Four Voices puis reprise en France par les Chats Sauvages, Laurent Voulzy et C Jérôme sous le titre Derniers baisers (Quand vient la fin de l'été).
Ce film (sorti au cinéma le 22 juillet 1989 ou le 4 novembre 1989 puis édité en VHS en 1999) fut recommandé par le ministère de la Construction, le ministère de l'Agriculture, des Forêts et de la Pêche et le ministère des Transports, ainsi que par les organisateurs de la promotion de la « Décennie internationale de la prévention des catastrophes » soutenue par le comité exécutif du projet du 30e anniversaire du typhon d'Isewan.
Nul doute que de nombreux spectateurs et spectatrices, même sans en avoir été les témoins, sont ressortis des salles japonaises projetant ce film avec encore quelques traces de larmes sur les joues...
Cette fiche dont l'œuvre évoque le passage du typhon Vera au Japon dans la baie d'Ise le 26 septembre 1959 a été rédigée à la fin du mois d'août 2023 pour être publiée en septembre 2023 afin que sa date de publication soit proche de celle de cette tempête qui a touché l'Archipel il y a de cela 64 ans. Evidemment, le sujet qui y est évoqué rappelle également les autres grands cyclones qui ont fait bien des victimes durant l'ère Shôwa, la plupart en septembre, et plus largement toutes les calamités que le Japon a pu subir, mais aussi au-delà de ce pays toutes les catastrophes naturelles qui ont tant fait souffrir et qui font souffrir encore alors que nous publions cette fiche...
|
|