Super Mario Bros. le film

Mario et son frère Luigi sont des plombiers de Brooklyn qui viennent d'ouvrir une modeste entreprise de plomberie. Un soir, pendant une intervention dans les égouts, ils sont tous deux aspirés par un tuyau magique qui les transportent vers une autre dimension. Pendant la traversée, ils sont tous deux séparés.

Mario se retrouve ensuite dans le Royaume Champignon, qui parle pour lui-même puisque des amanites gigantesques poussent sur le sol et qu'il est principalement peuplé de Toads, des petits êtres mignons portants des chapeaux champignon.
Ils sont gouvernés par la courageuse Princesse Peach, qui redoute l'arrivée d'un ennemi redoutable : Bowser, une tortue-lézard belliqueuse, roi des tortues Koopa. Celui-ci, avec l'aide de son âme damnée le sorcier Kamek, vient de mettre la main sur la Super Étoile, un artefact conférant l'invincibilité, et compte s'en servir si la princesse, dont il est follement amoureux, refuse sa main. Mario décide de prêter main-forte à la princesse et l'accompagne aux Royaumes des Singes afin de proposer une alliance avec le roi Cranky Kong, père du célèbre Donkey Kong, et ainsi s'opposer au terrible tyran et libérer le malheureux Luigi, prisonnier du Pays Noir gouverné par Bowser…

Mario est probablement l'emblème du jeu vidéo. Son aspect rond et attrayant ainsi que les jeux qui lui sont consacrés ont contribué à sa célébrité. Qui n'a pas au moins une fois arpenté le Royaume Champignon afin de défaire le terrible Bowser et délivrer la Princesse Peach, dans une succession de sauts sur des blocs ou des tortues sur une note joyeuse du compositeur Kôji Kondô ? Dès ses premiers jeux fondateurs, Donkey Kong (1981) sur arcade et Super Mario Bros. (1985) sur Famicom/ Nintendo, tous deux conçus par les fers de lance de l’équipe Nintendo Shigeru Miyamoto et Gunpei Yokoi, le plombier moustachu est devenu extrêmement populaire grâce à ses concepts novateurs qui ont bouleversé les codes du jeu vidéo, au point de parfois détrôner Mickey Mouse aux États-Unis dans certains sondages pour élire le meilleur héros.
Il n’a pas fallut longtemps avant que le personnage soit décliné dans d’autres médias. En manga, mais également en dessin animé, notamment dans une OAV de 1989, ainsi qu’un dessin animé produit en Amérique la même année.

Avant la sortie du film présenté sur cette fiche, deux premiers longs-métrages avaient été produits : un film d’animation, Super Mario Bros. : Peach-Hime Kyushutsu Dai Sakusen!, réalisé en 1986 dans la foulée du succès du jeu Famicom et qui n’est jamais sorti en dehors du Japon, et surtout un film en prise de vue réelle en 1993, Super Mario Bros., réalisé par Rocky Morton et Annabel Jankel, mettant en scène Bob Hoskins (Mario), John Leguizamo (Luigi) et Dennis Hopper (Roi Koopa).
Il s’agissait alors du tout premier film Hollywoodien adapté d’un jeu vidéo (il y eut avant celui-ci un premier film japonais sorti en 1988 adapté du jeu Mirai Ninja de Namco) et il fut largement vilipendé par la critique. La faute à un tournage chaotique et au concept du jeu lui-même qui est extrêmement laborieux à retranscrire en film, car l’univers se réclamait beaucoup plus de l’animation, ceci obligera donc les scénaristes à rationaliser l’univers du petit plombier et à partir dans une direction différente, ce qui fut d’ailleurs encouragé par Shigeru Miyamoto lors d’une réunion préliminaire.
Suite à cette déconvenue, les créatifs et décisionnaires de Nintendo, qui étaient peu impliqués dans le processus de création et du tournage du film, décidèrent d’opposer leur veto aux futures propositions d’adaptations d’un de leurs jeux, parmi lesquels des projets qui avaient plutôt avancé avant que la firme ne stoppe net leur productions. On pensera notamment au film adapté de Metroid réalisé par le roi du film d’action John Woo, qui fut annulé dans les années 2000, ainsi qu’un projet de film d’animation américain adapté de The Legend of Zelda produit par le studio Imagi en 2007 et avorté après la réalisation d’un film-pilote qui n’a pas convaincu.

L’idée d’un nouveau film adapté de Super Mario Bros. a pris du temps avant de se concrétiser, les choses s’étant accélérées dans les années 2010, sans doute après le succès critique et publique du premier film Sonic, qui fut, à une époque, considéré comme le rival de Mario. Après une première tentative avec la branche animation de Sony qui n’a finalement mené à rien, c’est la rencontre entre Shigeru Miyamoto et le président du studio Illumination, Chris Meledandri, par l’entremise de la société Universal qui avait aidé Nintendo à concevoir le parc d’attraction Super Nintendo World, ouvert à Osaka en 2020, qui va aboutir à l’ébauche d’un long-métrage d’animation.
En effet, le studio Illumination, dont la majeure partie du travail est réalisée à Paris, avait largement fait ses preuves en produisant la saga Moi, moche et méchant qui a donné naissance aux très célèbres Minions, deux sagas qui ont réussi l’exploit de concurrencer Disney sur son terrain en termes de popularité et de succès. Pour réussir à porter sur grand écran l’univers de Mario, Nintendo avait attendu l’arrivée d’un mastodonte qu’ils estimeraient assez compétent pour réaliser un film à la fois artistiquement bon, aussi bien en terme d’humour que de divertissement, et qui aurait toutes ses chances de réussir au box-office, et le studio de Meledandri remplissait toutes les conditions.

Le plus grand défi auquel les créatifs d'Illumination et d'Universal ont dû faire face fut le développement des personnages issus de la saga vidéoludique : si Luigi et sa maladresse et Bowser et son tempérament tantôt vindicatif tantôt d'une grande sensiblerie (qui nous était révélé dans le jeu Super Mario RPG (1995), du studio Square) ont pu fidèlement être retranscrits et adaptés, le problème s'est posé en ce qui concerne la princesse Peach et Mario. La première n'avait, jusqu'alors, qu'une fonction de demoiselle en détresse qu'il faut sauver des griffes de Bowser, et avait très peu de jeux dans lesquels elle était jouable (les plus notables étant la version occidentalisée de Super Mario Bros 2/ Doki Doki Panic de 1988 et surtout Super Princess Peach de 2005 sur Nintendo DS), et en 2023, à une époque où il serait mal vu de mettre en scène ce type de personnage cliché, les auteurs en firent une guerrière combative et brave, tout en faisant preuve de drôlerie.
Quant à Mario, ce fut d'autant plus compliqué. Puisqu'il agit avant tout comme un avatar pour le joueur, il ne fut jamais réellement doté d'une personnalité établie, à l'inverse de son rival Sonic le hérisson où dès l'écran-titre du premier jeu sur Megadrive, on pouvait deviner qu'il s'agissait d'un héros cool et désinvolte. Afin de ne pas trahir le personnage du jeu, le scénariste Matthew Fogel aura un éclair de génie en décidant de faire un parallèle entre Mario et le joueur néophyte qui n'a jamais touché à une manette de jeu vidéo : comme lui, notre héros découvre ce monde et ses rouages, il doit échouer pour réussir, doit subir un entrainement pour tester ses compétences, faire plusieurs tentatives jusqu'à ce qu'il maitrise son environnement… exactement comme les joueurs en 1985 qui ont découvert le premier jeu et sont forcément tombés dans des trous avant de réussir le premier niveau !

Le film fourmille de références aux différents jeux de la franchise : Luigi's Mansion (2001), Mario Kart (1992), Super Mario Odyssey (2017), Super Mario 64 (1996)… l'univers est respecté dans ses moindres détails, même les plus infimes. Le scénario se montre malin, puisque la Super Étoile convoitée par Bowser était l'objet de notre quête dans Super Mario 64, mais elle donne réellement l'invulnérabilité dans les autres jeux. Une scène au début du film, lorsque les deux plombiers doivent se rendre chez un premier client dans Brooklyn, reprend la mise en scène et la composition du premier niveau du jeu original. Enfin, le fait que le film se passe partiellement à Brooklyn est un clin-d'œil au premier film en prise de vue réelle. Références sont faites également à d'autres jeux Nintendo, puisque le restaurant où passe la publicité pour les frères Mario a plusieurs portraits des combattants apparaissant dans le jeu de boxe Punch-Out et qu'une figurine d'un vaisseau Star Wing de la saga Star Fox est présente dans la chambre de Mario, lequel joue au jeu Kid Icarus, sorti en 1986 (réputé pour sa difficulté). La bande originale nous gratifie aussi des nombreuses compositions de Kôji Kondo réorchestrées par Brian Tyler.
Le film est rempli d'hommages adressés aux joueurs les plus passionnés (jusque dans de menus détails), mais il n'oublie jamais de divertir et ne s'écarte à aucun moment de son sujet. Tout le monde peut donc y trouver son compte, aussi bien les fans de la première heure que les spectateurs qui font la découverte de cet univers, et s'avère être un film aussi drôle qu'attendrissant. De grands moments sont également à noter, en particulier la poursuite en kart dans le Circuit Arc-en-ciel qui est un bijou de mise en scène. Le film est visuellement beau, on sent le savoir-faire accumulé par Illumination au fil des années, et les personnages sont crédibles et expressifs. On pourra cependant regretter le manque de développement de certains points scénaristiques qui auraient mérité d'être approfondis.

Super Mario Bros. le film sera un immense succès à sa sortie cinéma, l'un des films les plus vus de l'année 2023, mais également le film d'animation le plus populaire de l'année. Là où, trente ans plus tôt, le premier film adapté du jeu avait contribué à installer la fausse croyance qu’il est impossible d’adapter un jeu en film pour le cinéma, le film d'animation a su renverser la tendance en prouvant qu'avec de la passion et les moyens nécessaires il était possible de réaliser un excellent film à partir d'un jeu.
Un mot au sujet de notre version française, dont le doublage préliminaire pour la bande-annonce a suscité une réaction inattendue : lorsque le casting original anglophone, principalement composé de stars (Chris Pratt, Jack Black, Anya Taylor-Joy…) fut annoncé en lieu et place des comédiens habituels (dont Charles Martinet, la voix bien connue de notre plombier moustachu), les fans américains étaient tellement déçus qu'en voulant écouter les bandes-annonces dans d'autres langues, ils furent surpris de constater que la voix que Pierre Tessier utilisait pour Mario était à ce point proche de celle de Martinet que grand nombre décidèrent de ne regarder le film qu'en VF, consacrant bon nombre de vidéos à ce sujet ! Le doublage de cette bande-annonce fit l'objet d'un tel engouement dans le monde entier que, chose absolument incroyable, alors que la branche française d'Universal prévoyait d'utiliser des stars pour prêter leurs voix (des influenceurs notamment), celle-ci décida de conserver le casting temporaire de cette bande-annonce dans le doublage final du film !
Pour la première fois depuis Les Simpson, le film, ce sont des comédiens spécialisés dans le doublage qui ont fait la promotion du long-métrage, puisque Pierre Tessier, Benoit Du Pac, Audrey Sourdive ou encore Xavier Fagnon furent invités à la télévision, à la radio ou sur YouTube ! Et le moins qu'on puisse dire, c'est que la VF est excellente, les comédiens ont donné ce qu'ils ont reçu des fans en s'investissant dans leurs rôles, nous livrant une superbe prestation appuyée par une adaptation de très bonne facture. Enfin, Charles Martinet a prêté sa voix aux personnages du père de Mario et de Giuseppe dans la version originale, mais également dans d'autres langues… y compris en français !