Fiche technique
Nom original | Manga Nyûsu (漫画ニュース) |
| Actualités en dessins divertissants |
Origine | Japon |
Année de production | 1957-59 |
Production | Otogi Production, Nippon Television Network Corp., Citizen Watch |
Animation | Otogi Production |
Nombre d'épisodes | une centaine x 2 minutes |
Idée originale | Ryûichi Yokoyama |
Réalisation | Eizo Tomita, Takashi Yanase, Yoshizo Wada, Noboru Baba, Masanao Kaida, Haruo Kobayashi, Yôji Kuri, Masateru Moriyoshi, Kenji Ogihara, Rokuro Sato, Rokuro Taniuchi, Hiroshi Washizumi, Yukio Yoshida |
Production | Tadashi Uotani |
Musiques | Katsuhisa Hattori, Hidetake Konoe, Kôji Taku, Naohiko Terajima, Tetsuo Tsukahara, Naozumi Yamamoto |
Synopsis
Une actualité du jour au Japon illustrée et animée par un artiste.
Commentaires
Cette série des années cinquante est une des toutes premières productions télévisées japonaises utilisant quelques techniques d'animation et plus particulièrement celle du papier découpé. Chaque épisode avait une durée de 2 minutes et proposait de découvrir une actualité du jour sous les illustrations d'un artiste la représentant ou s'en inspirant. Les dessins étaient fixes et les décors prenaient forme avec, apparaissant à l'écran, la main du dessinateur en action (comme une dizaine d'années plus tard avec la série La Linea). Les personnages quant à eux étaient souvent fait de papiers découpés et animés sommairement image par image. De plus, à la fin du métrage, après sa main ayant illustré l'ouvrage, le visage du dessinateur apparaissait à l'écran.
Parmi les artistes ayant participé activement à cette série, il y eut les mangaka Takashi Yanaze (1919-2013, célèbre pour son Anpanman) également illustrateur et poète, Eizô Tomita (1906-1982) également dramaturge et écrivain, et Yoshizo Wada (1913-1990) également caricaturiste. L'illustrateur de livres pour la jeunesse et mangaka de yonkoma Noboru Baba (1927-2001) a de même pris part à cette série. A propos de Noboru Baba, ami d'Osamu Tezuka, ce n'est que très récemment que l'on a publié en France les aventures des Onze Chatons (11 Piki no Neko, 7 albums) qu'il fit vivre joyeusement de 1967 à 1996, les livres étant édités dans l'Hexagone par les éditions 2024 depuis 2020 (les Onze Chatons ont également été portés au cinéma dans deux longs-métrages d'animation produits par le studio Group TAC).
Ryûichi Yokoyama, mangaka et créateur du studio d'animation Otogi Production en 1955, était à la source de cette création. On peut encore citer quelques autres mangaka qui ont été invités à donner forme à une actualité pour Manga Nyûsu : Haruo Kobayashi (1925-2010), celui-ci étant l'auteur depuis 1954 du manga satirique sur l'actualité Hitokuchi Manga (1954-90) dans le Mainichi Shimbun, l'artiste ayant été recommandé par Ryûichi Yokoyama qui lui était présent dans le même journal avec son célèbre Fuku-chan ; Rokuro Taniuchi (1921-1981), également peintre et illustrateur, et qui sous un style naïf s'est particulièrement illustré dans les paysages, signant notamment de très nombreuses fois la couverture du magazine d'actualité Shûkan Shinchô et ce dès son premier numéro en 1956 ; Rokuro Sato (1929-), artiste œuvrant sur 4 ou 1 case ; Masanao Kaida (1923-1995), également peintre, satiriste et auteur de yonkoma ; Kenji Ogihara (1921-1990) ; Masateru Moriyoshi (1924-), affilié à la Japan Cartoonists Association / Nihon Manga Kyôkai ; ou encore Yôji Kuri (1928-), auteur de manga et réalisateur de films d'animation dont de nombreux présentés à Annecy dans les années 1960 et 1970.
A propos de ces artistes précédemment cités et pour nombre d'entre eux inconnus en France tout comme leurs oeuvres, et dont même les noms sont quasiment absents des écrits français, on peut évoquer Kenji Ogihara qui, s'il est tout aussi ignoré que les autres, a tout de même été cité et présenté dans l'un des tout premiers articles français sur le manga, et ce en 1972 sous la plume de Claude Moliterni (1932-2009) dans le n°21 de la revue Phenix (revue internationale de la bande dessinée). Claude Moliterni, écrivain, scénariste, cofondateur du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême et grand connaisseur de l'art séquentiel, adaptera librement en bande dessinée, en 1980 et en parallèle de sa diffusion télévisée sur Antenne 2, la série d'animation japonaise Albator, le corsaire de l'espace dans Le Journal du Captain Fulgur (Dargaud, 11 numéros de février 1980 à janvier 1981).
L'article rédigé par Claude Moliterni avec la collaboration de Kosei Ono évoquait Kenji Ogihara au travers de Kurari-san (1965-72), un yonkoma dont deux strips furent publiés dans ledit article au lieu d'un seul pour les autres yonkoma présentés). Le nom du mangaka est écrit dans l'article « Kenji Hagiwara » et quelques autres légères « erreurs » sont à noter. A cet égard, vous pouvez prendre connaissance de cet article en lisant dans le même temps une analyse sur celui-ci aux pages 33, 34, 35 et 36 du texte « L’animation japonaise en France avant le 3 juillet 1978, et le manga avant son implantation : ébauche, d'une évocation à une autre... » (Jacques Romero Vey, 2014).
La série Manga Nyûsu s'adressait en premier lieu aux adultes d'autant plus qu'elle était diffusée après 21h00. Son appellation fut modifié pour les quatre derniers mois de sa production de juin à septembre 1959 passant de Manga Nyûsu (Manga News : du 1er octobre 1957 au 6 juin 1959) à Manga shokku (Manga Shock : du 10 juin 1959 au 30 septembre 1959). Le 31 décembre 1958, une émission spéciale fut de même consacrée à cette production avec les artistes qui lui donnaient vie. On notera également qu'il y eut une série que l'on peut qualifier de série dérivée titrée Shûkan Manga Nyûsu (Weekly Manga News : du 11 janvier 1959 au 8 mars 1959 à 10h00 le matin) et dont la durée des épisodes étaient plus longue, toutefois il semble que le contenu n'était pas original et qu'il fut essentiellement composé d'épisodes de la semaine de Manga Nyûsu ainsi rediffusés.
Il est difficile de savoir comment se déroula la production d'un tel programme diffusé du lundi au samedi. En premier lieu, chaque jour devait être défini quel fait de l'actualité allait être mis en scène et par quels artistes, que ce soit autant pour le réalisateur/scénariste/animateur que pour le compositeur. On peut s'interroger également quant à savoir si Osamu Tezuka participa à une séquence ou plusieurs. Hélas, dans les années 1950, et même encore au début des années 1960, dans les télévisions du monde entier, le Japon ne faisant pas exception, il était courant de réutiliser des enregistrements d'émissions afin d'en enregistrer d'autres, ce qui explique pourquoi il ne reste parfois, pour certaines séries, que quelques épisodes ayant survécu, voire aucun.
Quelques années plus tard, les techniques utilisées dans Manga Nyûsu furent encore reproduites et à nouveau avec Takashi Yanaze qui animait l'émission Manga Gakkô (Manga School : du 6 avril 1964 au 27 mars 1967, le lundi à 18h00 sur NHK). En celle-ci, où furent invités de nombreux mangaka comme Osamu Tezuka, Shôtarô Ishinomori et Noboru Baba, Takashi Yanaze enseignait aux enfants comment apprendre à dessiner et c'est principalement au travers d'un jeu de questions que les connaissances sur le manga étaient partagées. Le célèbre programme musical Minna no Uta qui débuta sur la NHK le 3 avril 1961 s'inspire également de ces expériences.
Manga Nyûsu est ainsi considéré comme la première production d'animation télévisée japonaise, avant que ne soit diffusé le 14 juillet 1958 sur NTV le court-métrage animé de papiers découpés Mogura no Abanchûru (Les Aventures d'une taupe, 9 minutes) de Hiroshi Washizumi (qui lui aussi a travaillé sur Manga Nyûsu), puis le 15 janvier 1960 le court programme Mittsu no Hanashi (voir la fiche publiée dans quelques jours sur ce site) sur la NHK, ainsi que la production de Ryûichi Yokoyama Instant History (1961-62, Fuji TV) et Otogi Manga Calendar (1962-64, TBS), une seule et même série dont le nom fut modifié quand elle changea de chaîne (les épisodes étaient de courte durée – 3 minutes – et proposaient un programme éducatif sur l’Histoire, les séquences d'animation étant accompagnées de nombreuses photos et extraits de films). Tout cela, ainsi que de nombreuses publicités, avant que ne débute le 1er janvier 1963 la véritable première série d'animation japonaise qui imposera notamment le standard des 25 minutes par épisode et des récits jouant sur la dramatique des situations, Tetsuwan Atom d'Osamu Tezuka.
Bien que cela soit relativement anecdotique, on peut encore remonter un peu le temps et trouver une production datant de 1955 qui, si elle n'use pas d'animation, offre à suivre à l'écran une série de dessins fixes se succédant au fil du récit conté. Il s'agissait d'une adaptation de Sazae-san sur KRT (TBS) du 3 octobre 1955 au 28 septembre 1957. Le yonkoma de Sazae-san, qui avait déjà été adapté au cinéma en plusieurs films en prises de vues directes et qui la décennie suivante se verra adapter en série d'animation (encore en cours de production en 2023 !), prenait ainsi vie sur le petit écran animé surtout grâce aux voix des acteurs et actrices jouant les différents personnages.
On peut également évoquer en 1957, quelques mois avant le lancement de Manga Nyûsu, et bien qu'il s'agisse d'un programme de marionnettes de papier, la première adaptation de Tetsuwan Atom titrée dans un premier temps Bôken Manga Ningyôgeki Tetsuwan Atom, renommée en cours de diffusion sous le nom de Kami Ningyôgeki Tetsuwan Atom (Le théâtre de marionnettes en papier d’Atom). Elle fut diffusée sur KRT le samedi de 18h00 à 18h30, du 13 avril 1957 au 28 septembre suivant, cumulant 25 épisodes. Les personnages, dessinés sur du papier puis découpés, étaient collés sur des baguettes et manipulés telles des marionnettes de manière rudimentaire. L'actrice et seiyû Kyôko Satomi (1935-), épouse du compositeur Seiichiro Uno, prêtait sa voix à Atom. Les décors s’apparentaient à ceux du manga et l’on devait la forme de l’ensemble au Laboratoire de marionnettes Dômu. Le résultat donnait une image dont peut faire écho le film expérimental Shinsengumi (1999) de Kon Ichikawa. Tezuka ne fut pas vraiment satisfait du résultat, comme il le sera peu de la future série en prises de vues directes d’Atom (65 ép.) à laquelle il ne participa pas. Elle fut diffusée sur Fuji TV à partir du 7 mars 1959, six jours après l’ouverture de la chaîne, cela jusqu’au 28 mai 1960 (les séries en prises de vues directes mettant des supers héros japonais en scène étant de plus en plus nombreuses à la télévision au Japon depuis 1957 comme avec parmi d'autres Gekkô Kamen ou Maboroshi Tantei). Pour avoir un résultat plus appréciable à son goût, Tezuka participera un peu plus à la série live suivante, Le Secret de Piron (NTN, 1960-61, 39 ép.), dont il dessinera le manga parallèlement à sa diffusion télévisée. Celle-ci terminée, il s’impliquera plus encore sur la série Le Mystérieux Garçon (1961-62) produite par la NHK tout en dessinant une version manga.
On peut encore ajouter à tout cela Yanbô-Mabô Tenkeyohô (Les prévisions météorologiques de Yanbo et Mabo, 1959-2014) créé par Yasuo Nakamura. Il s'agissait d'une courte séquence d'animation avec deux enfants, les frères jumeaux Yanbo et Mabo, annonçant la météo. Ce programme qui dura 65 ans était sponsorisé par la société Yanmar, spécialisée dans la conception de moteur pour des machines agricoles, des bateaux ou entre autres des engins de travaux public. Evidemment, cette création qui débuta avec une animation très limitée évoluera techniquement au fil du temps.
En France, à cette époque, en 1957-59, alors qu'aux Etats-Unis les premières véritables séries d'animation télévisées commencent à apparaître et à être de même diffusées au Japon (telle The Ruff and Reddy Show, la première série de Hanna & Barbera produite en 1957 pour la télévision), il y avait déjà eu quelques expériences similaires à celle de Manga Nyûsu ou de Sazae-san dans l'émission Martin Martine, avec l'utilisation de dessins fixes où de papiers découpés légèrement « animés ». A cet égard, la série télévisée française Le Tour de la France par deux enfants (39 épisodes, 1957-59) de William Magnin, Claude Santelli et Michèle Angot ayant été diffusée au Japon en 1959 sur la NHK, probable première série française diffusée au Japon, utilise dans son générique des illustrations fixes avec de légers effets d'animation. Nul doute que le feuilleton en lui même faisant découvrir l'Hexagone ainsi que ses génériques illustrés ont été appréciés par les téléspectateurs et téléspectatrices de l'Archipel (lire à cet égard le texte « Le Tour de la France par deux enfants, au Pays du Soleil levant » - Jacques Romero Vey, 2017).
Pour conclure, on peut souligner que la série Manga Nyûsu montre non seulement le désir de produire très tôt de l'animation à la télévision japonaise, mais elle met également en perspective les liens que cette animation aura toujours entretenue avec les artistes mangaka, dont certains même s'investiront pleinement dans cette autre forme artistique de l'image en adaptant et réalisant ou produisant en animation leur propre manga ou des histoires originales tels parmi les plus illustres Osamu Tezuka, Leiji Matsumoto, Katsuhiro Otomo et Satoshi Kon.
Les images de la galerie ci-contre sont extraites d'un épisode avec Noboru Baba intitulé « Hige no rakugaki ma », rare archive conservée de cette série. Il est toutefois difficile de savoir à quelque actualité, entre 1957 et 1959, Noboru Baba fait référence ici. Toutefois, cet épisode semble avoir été réalisé dans les derniers mois de production de la série lorsque celle-ci fut renommée Manga shokku entre juin et septembre 1959...
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