Marie Dauphin a été l’une des principales animatrices de Récré A2 dès 1983, marquant indubitablement l’émission de sa bonne humeur communicative. Disponible, généreuse, elle m’a accordé une interview “nostalgie” émouvante pour Planète Jeunesse, pour le plus grand plaisir de ceux qu’elle appelle avec affection, “les bébés Récré A2”. (Le tutoiement s’est imposé un peu naturellement pour cette interview)

Marie Dauphin : C’est arrivé un peu par hasard, comme souvent dans ce métier. J’étais moi-même spectatrice de Récré A2 avant d’y entrer, mais j’étais surtout passionnée par le jonglage et l’univers du cirque puisque je viens de l’école Fratellini. Et puis un jour, une équipe TV a fait un reportage sur cette école et j’ai appris que Jacqueline Joubert faisait des castings pour de “nouvelles têtes” pour Récré A2, et je me suis présentée. Je ne suis pas certaine d’avoir été prédisposée, mais il faut croire que Jacqueline a trouvé en moi quelque chose qui lui a plu puisque j’ai été embauchée !

M.D. : Jacqueline était quelqu’un de formidable et très à l’écoute des autres. Je lui dois énormément, elle savait mettre en confiance. Concernant Récré A2, il y avait deux équipes en fait. Celle de Dorothée, Jacky etc, qui avait en charge les directs du Mercredi matin et après-midi. Les autres animateurs, Charlotte Kady, Bertrand Boucheroy, Alain Chaufour et moi faisions les enregistrements pour la semaine. Avec Dorothée, en fait, on ne se parlait presque pas. Non pas que nous ne nous entendions pas, mais du fait que nous n’étions pas sur les mêmes horaires, on ne faisait que se croiser et on ne se voyait pas en dehors, ça ne pouvait donc pas favoriser une amitié particulière. Par contre, ceux avec qui je travaillais tout le temps étaient fantastiques. Je dois beaucoup à Alain (Chaufour), qui était là depuis les débuts de Récré A2 et qui a été très patient et m’a beaucoup appris sur le métier.

M.D. : Pleins ! En fait, je me souviens que c’était assez laborieux, j’étais toute jeune et assez gênée car c’était tout nouveau pour moi, mais grâce à Jacqueline, j’ai eu le temps de m’adapter et de mettre tout ça en place. J’étais entourée de gens qui aimaient ce métier et qui aimaient leur public, les choses sont donc venues assez rapidement.

M.D. : Jacqueline imposait d’une certaine manière. Elle disait “bon, maintenant, tu vas chanter ce générique de dessin animé”. Moi j’étais un peu “rebelle” et j’avais un peu peur de ça, je disais “Oh non, je suis pas chanteuse moi, ça c’est pour Dorothée, moi je sais pas faire etc”... et puis Jacqueline m’a dit “Tu vas savoir faire ! Tu es chanteuse, mais tu ne le sais pas !” C’est allé tout seul parce que là encore, elle m’a mise en confiance et donné le temps. Et je crois que je peux aussi la remercier pour ça, elle a contribué à un certain épanouissement artistique, je pense.

M.D. : Mon premier générique fut en fait l’indicatif de Récré A2 : “Y’en a qui”. Il y a eu un moment où Jacqueline voulait que j’évolue, et elle pensait qu’il était temps que j’enregistre un “vrai” titre, une “vraie” chanson. “Les Papous”, c’est parti d’un délire bon-enfant, même si la réalisation du clip a couté une vraie fortune à la chaîne, mais c’est un super souvenir, j’ai fait plein de plateaux télé etc. Par contre c’est aussi allé un peu loin parce qu’on a été accusé de faire une chanson un peu raciste (“Y’a des Papous partout dans les rues” etc) alors que ce n’était absolument pas le cas, mais bon. En fait c’était difficile aussi parce que je n’avais pas de gros producteur (c’est toujours le cas d’ailleurs !)

M.D. : Antoine était (est toujours !) quelqu’un d’adorable, mais je n’avais pas de rapport particulier avec lui en fait. J’avais juste pour consigne de ne jamais révéler qu’il était Paul Persavon. Antoine venait du rock et ça aurait, peut-être, fait un peu “tache” de dire qu’il écrivait des chansons pour enfant ? En tous cas, nous sommes toujours en contact. Il devait venir me voir en spectacle il n’y a pas très longtemps mais son emploi du temps ne lui a pas permis hélas.

M.D. : C’était très bizarre en fait. On a eu le sentiment d’une famille qui venait de se casser, c’était assez dur sur le coup. Jacqueline vivait ça comme une trahison et nous, on a eu d’un coup une sacrée pression parce qu’il fallait maintenant tenir la barre et affronter en même temps la concurrence assez rude de TF1. Je ne suis pas partie sur TF1 parce qu’ils ne me l’ont pas demandé, tout simplement, ainsi qu’à Charlotte (Kady). Alain a refusé par fidélité, comme Cabu. Mais je crois que si ils me l’avaient proposé, j’aurais dit non car c’était tout ce qui était à l’opposé de ce que Jacqueline avait créé pour vous : TF1, c’était le côté marketing, le business, les cadeaux aux enfants, le club avec inscriptions.... On ne voulait pas vraiment ça, nous, et surtout, on ne voulait pas perdre ce côté familial qui était installé depuis longtemps...

M.D. : En fait, on nous en parlait, mais on ne regardait pas car on bossait beaucoup. On avait pas toujours le temps de regarder nos programmes, alors ceux des autres... Je n’ai vu qu'un bref passage et c’est les autres surtout qui étaient scandalisés à notre place, il y a eu des articles dans Télérama pour dénoncer ça etc. C’était hallucinant parce qu’on avait beaucoup travaillé ensemble et donc, on ne comprenait pas. Bon, c’était devenu la 4eme dimension cela dit, à cette époque. En fait, je crois qu’il n’y a vraiment rien à en dire...

M.D. : C’était devenu trop difficile de lutter contre TF1 qui proposait grâce à un budget que nous n’avions pas, toujours plus de choses, des fictions et puis Dorothée et ses concerts... AB était puissant, vraiment. Et puis, Jacqueline a été “gentiment” remerciée et Récré A2 s’est arrêtée naturellement avec son départ. On a plutôt bien vécu tout ça, même si, je pense, on aurait pu continuer (quoique Charlotte, qui avait des choses à faire en tant que comédienne, ne serait sans doute pas restée). Mais bon, on était crevés aussi, c’était éprouvant, il fallait être concurrentiels maintenant, etc. Je ne regrette rien, on a fait une belle émission, qui est devenue une institution et voir que des gens qui ont aujourd’hui ton âge se souviennent de nous, c’est super touchant et c’est une belle récompense.

M.D. : Voilà. Récré A2 proposait une belle variété, je me souviens de petits programmes courts comme Latulu et Lireli, de culture, de littérature... Il y avait de tout pour tous. Jacqueline avait imaginé quelque chose de formidable avec récré A2 et il fallait qu’on reste fidèles à ça, pour elle et pour vous. Et puis quand je revois les bébés Récré A2 aujourd’hui, qui ont bien grandi,...je constate que vous êtes une belle génération et je me dis que Récré A2 y est peut-être pour quelque chose !!! Il y a toujours un temps pour tout... la fin de récré A2, ça m’a permis de me réaliser vraiment et pour ça, il a fallu une belle et longue traversée du désert !!!! Et dans le désert, on apprend énormément, on rencontre des gens formidables, et l'on découvre aussi de vrais trésors...insoupçonnés. Pendant tout ce temps, j'ai appris à écrire des chansons, à jouer, à chanter aussi !!!! (avant ma bonne nature me suffisait !! lol !!) J'ai aussi fabriqué un merveilleux bébé !!! Aujourd'hui Clara, magnifique blondinette de 15 ans !!

M.D. : Bien sûr ! On fait régulièrement des petits repas. Je revois Bertrand, Charlotte toujours. Je vois même Ariane Carletti alors qu’on était pas trop potes dans les années 80 et c’est devenue une bonne amie. Et puis, Alain bien sûr, il est journaliste à la TV maintenant, pour l’émission “Vie privée, Vie publique”. Et puis bien entendu, j’ai vu Jacqueline longtemps, jusqu’à ce qu’elle s’en aille...

M.D. : Non, ça m’étonnerait. Sauf à la limite si le concept est novateur, et encore. L’esprit de la télé a trop changé, il n’y aurait à mon avis plus trop ce côté familial et chaleureux de Récré A2. Moi, la télé n’est pas forcément mon truc, je la regarde très peu (je regarde surtout des DVD)

M.D. : Il y a eu une rumeur sur le net je crois, comme quoi j’étais pressentie pour faire “la Ferme”, mais on ne m’a jamais contactée. De toute façon, non, je crois que je n’y serai pas allée. En même temps, étant ma propre productrice pour mon spectacle...une bonne rentrée d'argent .....!!! Je comprends des filles comme Douchka ou Agnès Soral et jamais je ne kalashnikoverais sur les personnalités qui font ce choix... Il faut se battre tout le temps et le nerf de la guerre ... c'est l'argent !

M.D. : Non, je n’ai plus regardé ce type d’émissions, à dire vrai. Je n’ai pas d’avis particulier là-dessus, mais pour ce que j’en ai vu ça a bien changé forcément...

M.D. : J’espère monter un projet de co-production à la rentrée (de Septembre) pour mieux promouvoir mon spectacle “Marie Dauphin ou les nuits d’une demoiselle”, qui est un spectacle complet avec des sketchs et des chansons. J’ai galéré pour pouvoir le présenter à Paris pendant 6 mois mais c'est mon bébé, c'est MON spectacle et je tiens vraiment à remercier Gérard Cuq, mon homme, pour toute son aide, tout son professionnalisme. Nous avons travaillé ensemble main dans la main pour que le spectacle puisse exister et j’en suis très fière et très heureuse ! Il y a un disque qui sortira vers la fin d’année avec une sélection de titres du spectacle, et Gérard à réalisé le DVD de celui-ci. RDV, je pense en Décembre pour vous présenter tout ça !!! (dates prévues sur Paris !!)

M.D. : J’aime les salles intimistes, où on peut voir le public. Ça peut être des salles d’une centaine de places ou jusqu’à 400 par exemple. Le spectacle est tout public, j’ai des grand-mères, des enfants très jeunes qui viennent avec leurs parents qui sont souvent des bébés Récré A2 ! Les gens sont adorables, toujours gentils. Il y a eu des fois ou, justement après avoir regardé le public, cerné les âges, j’ai vu qu’il y avait pas mal de mes bébés Récré A2 dans la salle alors on est partis ensemble à chanter Clémentine et Bibifoc à la fin du spectacle. Il ne faut rien renier et toujours garder cette bonne humeur et cette complicité.

M.D. : Merci à toi, c’était vraiment sympa !



Auteur : Kahlone
Date interview : Juillet 2006