Présentation
Le Club Dorothée est peut-être l'une des émissions jeunesse les plus mémorables de toute une génération. Mais c'est sans doute aussi celle qui a occasionné le plus de polémiques et de dérives...
En 1987, TF1 est privatisée, le paysage audiovisuel va changer définitivement. Les producteurs de Dorothée (AB Productions) proposent à cette dernière, qui était alors l'animatrice principale de l'émission Récré A2 sur Antenne 2 (émission leader dans le divertissement pour enfants) de passer sur TF1 et d'avoir une émission d'envergure, en plus de passer aux commandes des programmes jeunesse de la chaine.
Elle accepte et ainsi naît le Club Dorothée avec d'autres transfuges de Récré A2 (certains étaient partis depuis quelques temps, seul François Corbier a suivi Dorothée en 87) : Jacky, Ariane et Patrick Simpson Jones.
Avec un groupe de musiciens (les Musclés), le Club Dorothée se présente sous forme d'un show en direct à l'ambiance festive. Ce sont d'abord les dessins animés phares des années 80 que l'on retrouve (Goldorak, Candy, Capitaine Flam) mais très vite, AB va se procurer au Japon, par lots, de très nombreuses séries à moindre frais. C'est le début de l'ère "Japanime". Toutefois, ces séries sont diffusées très vite et parfois mal adaptées ou doublées dans l'urgence. Certains dessins animés, très violents, sont aseptisés pour pouvoir passer à l'antenne, d'autres sont censurés. Le "trop de japonaiseries" commence à faire grincer des dents, malgré le succès, en premier lieu de Dragon Ball Z, des Chevaliers du Zodiaque ou de Ken le survivant, nouveaux héros cultes des enfants. C'est le principe même de l'émission (les jeux jugés stupides comme le jeu de l'ABC, l'abonnement amenant des cadeaux... plus globalement l'aspect "business" et mercantile) qui semble agacer, bien que pourtant, le Club Dorothée écrase toute concurrence et très rapidement. Aucune émission jeunesse ne semble pouvoir s'y opposer... Il faut dire aussi que AB a "starifié" ses animateurs, les faisant jouer dans des feuilletons et sketchs (largement inspirés pour certains des séquences de Récré A2) ou reprenant quelques concepts bien connus comme le dessinateur Gédébé (ersatz, aux yeux de beaucoup, du talentueux Cabu).
En parallèle, Dorothée est devenue un phénomène. Concerts à gogo, Zéniths remplis, elle s'inscrit comme la star des enfants, pour le grand bonheur de ses producteurs. Le Club Dorothée se transforme peu à peu en grande émission de variétés, où Dorothée chante avec les plus grands noms de la scène française... mais aussi internationale !
Dans le même temps, devant les plaintes massives, les dessins animés japonais disparaissent lentement mais sûrement, laissant place aux sitcoms américaines, sans doute plus politiquement correctes. AB, entre-temps, a flairé la bonne idée et produit coup sur coup des feuilletons faits-maison (Hélène et les garçons, Premiers baisers...) et fait faire des disques aux acteurs, qui seront souvent les invités de Dorothée, créant un lien avec le jeune téléspectateur, et leur permettant d'asseoir, à cette période faste, encore davantage leur empire.
L'émission, quant à elle, devient aussi prétexte à de grands voyages dans des lieux paradisiaques pour toute l'équipe, avec le concept des "3 héros" du Club Dorothée et le dromadaire Sahara (doublé par Azoulay lui-même)...
C'est Patrick, le premier, qui partira pour la 5 (avant de revenir... puis repartir, n'assumant pas vraiment son rôle d'amuseur). Corbier, qu'on pousse à couper sa barbe, ne supportera plus, sur la fin, les pressions internes hors antenne. Il quitte le navire en 1996 (il reviendra tout de même pour les émissions de l'été 1997). Il faut dire que l'ambiance était devenue particulière, et on se souviendra de la "guerre" avec Antoine de Caunes, fils de l'ancienne productrice de Dorothée, Jacqueline Joubert, qui n'a pas épargné Dorothée, ses amis et ses programmes, sur Canal +...
Pour redonner un coup de fouet au Club, et sans doute le rajeunir, Cyril Drevet et Eric Galliano (débauchés chez la concurrence) rejoignent l'équipe, mais de façon éphémère...
En 1997, suite à la volonté d'AB de créer ses chaînes sur le câble, TF1, voyant en la maison de productions un futur concurrent de taille disposant de milliers d'heures de programmes cultes, ne renouvelle pas le contrat et met ainsi fin à l'aventure de Dorothée et ses amis.
Depuis, l'égérie des enfants ne sera guère apparue à la télévision, qui entre-temps, dans sa conception du programme jeunesse, a beaucoup changé. Une époque semble révolue, même si la nostalgie des 25/30 ans, plusieurs années après, amène au retour de Jacky sur la chaîne AB1 dans une émission nostalgie (les Années Club Do') avant qu'il ne prenne les commandes de son émission "le JJDA" dès 2008. C'est le seul membre à réellement réapparaitre à la télé. Dorothée fera, elle, un bref retour sur IDF1 et dans la chanson. On la verra aussi dans un cameo dans le film "Nicky Larson" de Philippe Lacheau et dans quelques émissions en tant qu'invitée mais plus jamais à ce jour aux commandes d'un programme. Quant à Corbier, il est retourné dans les café-théâtres pour jouer sa musique jusqu'à son décès en 2018. Et Ariane, qui se sera montrée la plus discrète de tous (elle aura tout de même monté des projets au théâtre), affaiblie pour une longue maladie qui l'emportera en 2019.
Décrié, adulé, le Club Dorothée a de toute façon marqué les mémoires. Aucune autre émission n'aura eu autant de temps d'antenne ni eu autant les allures d'un show live aux prestigieux invités... Avec sa fin, se tourne une nouvelle page sur une certaine façon de faire des émissions jeunesse.